Une femme d’exception, incroyablement expressive, courageuse et visionnaire, et plus qu’une artiste à part, une artiste totale: Wagnérienne :).

Mercredi 18 Mars 2015 Bjork – Kings theater Brooklyn. Wednesday March 18, 2015 Bjork – Kings theater Brooklyn: a phenomenal woman, incredibly expressive, brave, visionary and more than just a unique artist, a total artist: Wagner like :).

Bjork. Quelle femme et quelle artiste. Je l’écoutais davantage il y a 20 ans, mais je suis quand même, de loin, certains de ses albums, et son évolution. Et quand j’ai appris 1) qu’elle se donnait en concert à New York, 2) qu’il avait une expo sur elle au MOMA et 3) surtout après avoir passé une soirée fantastique, avec un de mes neveux de 19 ans à moitié japonais, qui aime autant la musique que moi– on passe des heures à discuter de ça, et entre autres donc, après une soirée entière à écouter Bjork, et commenter son travail, et ce qu’il nous évoque –trop chouette–d’autant qu’il venait à New York pour entre autre, la voir en concert– mon envie d’aller la découvrir en chair et en os, s’enflamma d’un coup.

Voila, en plus il est batteur, mon neveu, donc ça lui donne une autre écoute encore, et surtout il est gentil comme un coeur, et ça, ça compte dans la vie, comme en musique :). Car, j’ai remarqué– la bonté entre musiciens, engendre une plus grande entente, du respect, et surtout une écoute plus aigüe 🙂 et– petite parenthèse — moi qui ai toujours eu envie d’avoir 3 enfants — pendant la semaine ou je l’ai hébergé, j’étais ravie de le materner. Les petites joies de l’existence — toujours essentiel pour l’âme– Ca y est je m’égare, alors qu’il y a 12 000 trucs à dire sur Bjork.

Mais bref, tout ça pour dire que du coup, j’ai decidé d’aller la voir en concert, encore plus intriguée j’étais– déjà que 🙂 — la curiosité un très bon défaut 🙂 pour voir, éprouver, faire l’expérience quoi– du genre de présence, qu’elle aurait sur scène.

Les places à Carnegie Hall étaient toutes sold out, mais j’ai vu qu’elle se donnait a Brooklyn — au fin fond de ce borough– comme ils disent ici– Et comme mes ami(e)s le savent, quand je suis déterminée– rien ne m’arrête — enfin, c’est pas tout a fait vrai.

Mais même à pétaouchnoque, j’étais prête à faire le long trajet, dans un quartier un peu craignos — parce que j’ai remarqué que dans la vie, même quand les circonstances sont plus extrêmes — si j’ose les rencontrer, les braver, les affronter — il y a toujours beaucoup de joie qui m’attends au tournant — et puis, je savais que pendant le long trajet, je pourrais écouter de la musique et rêver :). Alors :).

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Alors donc, la salle de concert déjà, en soi, vaut son pesant de cacahouètes. Le King theater date des années 20, et des revues type Cabaret s’y donnaient pendant un temps. Et puis le quartier, n’étant pas hyper bourgeois — pour ne pas dire hyper craignos –a fini par fermer ses portes dans les années 70, parce qu’il ne projetait plus que des films de Kung fu, et de vampires. (trop chouette la karateka en moi, et la fan de films de vampires, applaudit :).

Bref, la ville l’a remis à neuf très récemment, et je vous raconte ça, parce que du coup le quartier revit, Et il y avait un nombre d’ushers/ poinçonneurs de billets, et non des lilas 🙂 — jeunes — jamais vu autant dans un théâtre –et si heureux, gais et souriants (ça change des harpies à l’opéra pour certaines — c’est pas très gentil, mais c’est vrai) de nous accueillir dans leur théâtre magnifique– brillant de mille feux, avec ses beaux lustres, son velours rouge, son très bel immense espace accueillant, son acoustique fantastique– comme si on venait diner chez eux.

Je peux pas vous dire, déjà, j’étais émue, et dans de bonnes dispositions.

Et puis alors, chères amies :)– alors que le spectacle venait de démarrer, un de mes voisins est arrivé en retard, et là– oh joie –ressemblait comme 2 gouttes d’eau, en plus grand — oh donc, encore plus immense joie :), au superbe acteur — Ryan Gosling, découvert la première fois, dans un film hyper romantique, pour qui ne s’est jamais retrouvé –dans une situation à devoir choisir entre la sécurité, le statut social et l’amour (et pour la fan d’opéra que je suis– un grand thème — évidemment ça me parle).

Et pour qui n’a jamais senti au premier abord, l’importance d’un être rencontré pour la première fois, ou vécu une immense passion, avec tout ce que ça comporte, comme douceur et intensité en tout genre–  donc, on ne pas rester insensible au film romantique “the Notebook” — Une immense histoire d’amour, une passion échevelée comme il devait effectivement en exister davantage, pendant les années de guerre.

Bref, donc, mon voisin c’était vraiment le portrait craché de Ryan Gosling. Affichant en plus, une attitude mystérieuse m’évoquant un autre film, qu’il a tourné plus récemment– très violent, mais aussi incroyablement poétique, et que j’aime immensément : “Drive”

La scène de baiser dans l’ascenseur m’a laissé sans voix — rarement vu à l’écran une scène aussi torride –autant de tension érotique contenue, qui fini tel un volcan, à érupter d’une façon sublime– Ca y est, je me suis encore égarée, c’est Bjork.

Elle m’emmène sur plein de terrains différents. Donc bref, un voisin “dreamy”. D’ailleurs, qui sait, c’était peut être Ryan:). Trop chouette — encore du rêve :).

Revenons à nos moutons. Le reste du public était très typique de la gente branchée Brooklynites– plutôt 30 /40 ans — et ce qui m’a frappé, c’était l’ambiance presque de musique classique, et pas du tout pop — Donc feutrée, respectueuse, presque religieuse, très attentionnée à son égard – Laissez- moi donc rembobiner, et vous donner un peu de contexte, pour vous expliquer pourquoi.

Bjork est donc une musicienne islandaise.  A démarré sa carrière solo dans les années 90, et déjà dans sa musique, sa manière de chanter, son rapport à la nature, ses vidéos, ses choix vestimentaires, et de maquillage, fait d’elle clairement, une artiste à part. Mais c’est son exploration musicale, qui est la plus scotchante.  Une inspiration d’un éclectisme ébouriffant, mélangeant influence classique (a étudié et baigné toute son enfance dans la musique classique–on en connait d’autres — en ce qui concerne le bain:), elle adore en particulier, Mahler- -c’est pas la seule:).

Donc une inspiration classique– mais aussi électro et folk — étudiant, s’inspirant de la nature — de la manière dont les oiseaux chantent, de la beauté, de la symétrie mathématique que l’on trouve à la fois dans la nature (coquillages, végétaux, cristaux, cellules) et la musique — la conduisant à inventer de nouveaux instruments de musique, une nouvelle notation musicale — et une manière de visualiser les vibrations sonores.

Donc a aussi travaillé à la composition de ses albums en collaboration avec d’autres métiers pas forcement liés à la musique (neurologues, mathématiciens, anthropologues, et ingénieurs) et aussi à l’élaboration de nouvelles applis, pour simplifier l’accès et la façon de faire de la musique. Dingue non?

By the way, Richard Attenborough, le très grand anthropologue, dit que le chant est plus fondamental que tout autre forme d’expression, avec un larynx– Dans la nature, les oiseaux, les grands singes chantent ensemble, quand ils se plaisent, pour exprimer leur exaltation — Et que la musique au de-là de la poésie et de la sensualité qui s’en dégage, est tout simplement un des rares arts, qui puisse être transcendantal.

Que la musique invite à s’unir, à chanter, à danser à un niveau élémentaire, que c’est ce qui nous rend humain, et nous permet de développer des rapports avec autrui et soi. Non mais j’adore ces idées, et d’ailleurs je suis tout a fait d’accord!

Et le neurologue Oliver Sacks, dit que les chanteurs ont des plus gros cerveaux que les autres êtres humains — et que ça développe la créativité — non mais quelles excellentes nouvelles :)–Non mais quand je vous dis que c’est quelqu’un d’extraordinaire Bjork– je ne plaisante pas du tout :).

Et en plus, bon, ça c’est pour la choriste en moi –elle a sa propre chorale de chanteuses islandaises choisies avec grand soin, depuis qu’elles ont 6 ans — elles ont 25 ans maintenant, et l’air de jeunes sirènes innocentes et merveilleuses.– Si ça aussi, ça n’en dit pas long, sur son coté visionnaire et sa capacité à imaginer loin dans le futur — C’est elle qui est dans le vrai :).

Je m’égare encore. Reprenons, le concert a démarré avec l’arrivée de ses 17 musiciens (5 violons, 5 violes, 5 violoncelles, 1 “DJ” électro aux platines, et 1 batteur), habillés tout en blanc. La convention chez les musiciens classiques, c’est d’être tout en noir. Puis, elle arriva.

Vêtue d’une grande robe de prêtresse blanche, m’évoquant “Norma” de Bellini aka une prêtresse celte/islandaise, et portait sur la tête une coiffe, tout à la fois protectrice et rayonnante. Comme quoi les paradoxes peuvent co-exister. Comme une coque de hérisson, ressemblant à des cristaux de lumière blanc et jaune (le jaune – couleur de la guérison pour elle et d’autres) lui donnant un air de madone futuriste, créant une impression de halo surnaturel, son visage protégé, vaguement entraperçu.

Et la raison de ce costume, comme ses fans le savent, c’est que son dernier album “Vulnicura”, qu’elle venait chanter ce soir là en première partie, quelques plus anciennes chansons en seconde partie– a trait à une des plus extrêmes détresses, souffrances — souvent indicible, tellement c’est violent, et totalement dévastateur — je veux dire –la douleur si aigüe qui déchire l’âme, le coeur, n’épargne rien de son être, quand on perd l’amour de sa vie.

Le titre veut dire “Cure for wounds” ou “Remède pour blessures”, car son album exprime donc son immense détresse, infinie, face à la séparation avec son partenaire (le talentueux et également artiste acclamé) Matthew Barney particulièrement bien immortalisée– notamment dans– à mon avis– sa plus belle— la plus déchirante –chanson “Black lake” — totalement bouleversante — Je vous en met une version courte, car la chanson dure 10 minutes.

C’est la chanson la plus triste que je connaisse, sur la souffrance à l’état brut face à une peine amoureuse aussi insupportable, d’un être, qui souffre comme une bête. Les deux chansons qui démarrent l’album “Emotional respect” et “Maybe he will come out of this loving me” sont également sublimes, et plantent le décor, et évoquent avec poésie et authenticité, son infinie tristesse, douleur, et espoir déchirant, face à ce trou noir émotionnel.

Tout le public sachant, oh combien, cette séparation fut incroyablement traumatisante pour elle, était du coup hyper respectueux, ému, et du coup l’ambiance était presque religieuse– Il émanait donc du public –une immense compassion pour elle — très émouvante et guérissante —pour elle– mais aussi pour tous ceux qui, ce soir là– avaient besoin de pleurer des peines de coeur. Et croyez moi — elle n’était pas toute seule.

Et là ou elle m’impressionne Bjork, c’est sur son aptitude– presque génie –à trouver un sens à sa douleur, à la chanter la tête haute avec beaucoup d’authenticité, d’aplomb, et de courage, même si on la sent toujours très bouleversée– A même en faire un outil d’évolution de son âme. Et réaliser que c’est au sein de sa souffrance, qu’elle trouve les remèdes pour en ressortir plus costaud.

D’ailleurs, petite parenthèse (ai été écouter la semaine dernière, une conférence passionnante sur le traumatisme, donné par Boris Cyrulnik au Lycée Français de New York. La salle était comble, ce qui n’est guère étonnant) et je vous résume son idée maitresse, qui me parait pleine de bon sens. Il dit que la souffrance extrême, le traumatisme qui blesse si fort, pour s’en sortir, il faut la/le transformer en art. Et c’est bien ce que fait Bjork.

Donc revenons à Bjork et son concert. Comme beaucoup, je n’en menais pas large ce soir là — devant tant de douleur exprimée, et fut particulièrement touchée par sa capacité à exprimer son histoire si personnelle et déchirante, avec autant d’abandon et de vérité, et particulièrement admirative de sa faculté à transcender sa douleur inouïe, sa souffrance abyssale. Et d’y arriver, d’une façon aussi poignante et poétique.

Sublime et très secouant.