Lundi 09 Mars 2015 —MET Opera House—“Manon” de Massenet: Monday March 09th 2015 MET Opera House— “Manon” by Massenet— the most licentious, libertarian of operas— obviously the most poignant and totally spellbinding :).
Très probablement un de mes opéras préférés avec “Rigoletto”, “Norma”, “La Traviata”, “Carmen”, “Madama Butterfly”, “les Contes d’Hoffmann”, “Der Rosenkavalier’, “Tosca”, “Faust” — (sans parler de ceux de Wagner ou de Berlioz aussi— mais c’est encore deux compositeurs à part— Je sais, j’ai un peu de mal à choisir devant autant de talent:). Bon d’accord, c’est probablement parce qu’il s’agit à chaque fois, de femmes perdues. Je ne suis pas très fière que ça me fascine– mais c’est comme ça— les femmes imparfaites, ça les rend humaines, et ça nous permet de vivre par procuration :)— Et elles connaissent l’amour, le vrai. Et quand c’est retranscrit de façon aussi poétique, par la musique et le libretto — je ne suis pas la seule à être émue—
Le public du MET, est comme moi, il s’exprime par moments de façon manifeste, tangible donc, de façon incroyablement palpable: vibre de tristesse, de désir, de douceur, de joie, parfois même, retient son souffle, interrompant la performance, avec cris, chuchotements, soupirs, bravos, et applaudissements, comme des enfants, et c’est charmant. Enfin, moi ça m’enchante, ces débordements émotifs spontanés. Et qui ont l’air de faire du bien à tous :). Je reprends, ces héroïnes donc, connaissent aussi le sacrifice, ça les rachètent à mes yeux, (ou la prison) et même parfois, la mort. Alors forcément, on fini par avoir un peu de mansuétude, d’indulgence pour elles.
Bref, revenons donc à “Manon”. Cet opéra tiré d’un roman de l’Abbé Prévost, au magnifique libretto, je vous en livre quelques extraits, parce que c’est trop beau plus bas. D’ailleurs, l’un des deux librettistes (Henri Meillac)— a également collaboré avec de nombreux autres compositeurs fantastiques: Bizet (Carmen), Offenbach (opérettes) et Strauss (Die Fledermaus)—(L’autre librettiste étant Philippe Gille).
Donc “Manon” est un opéra presque aussi long que les opéras Wagnériens- 4h30 -de rêve — c’est bien—j’adore :). Il dépeint avec grande profondeur, une autre femme damnée.
Sa particularité, très unique et rare, et qui me touche profondément avec Manon, c’est qu’il existe dans la musique, les mots et la mise en scène, une immense tendresse, douceur, une expression du désir, de la frustration devant des choix cornéliens, et de la force d’attraction, du magnétisme entre les êtres, de la tentation, qui a raison de tous les engagements par ailleurs (sentimentaux et aussi– encore plus mystique encore — religieux — alors un amour aussi fort, et un érotisme aussi raffiné, ça me coupe le souffle, et provoque en moi, un sentiment de respect, d’admiration, et de crainte mêlés.
Donc, c’est l’histoire d’une jeune femme, tourmentée par ses pulsions vitales /élans/envies contradictoires. N’arrivant pas à choisir entre un engagement amoureux, et une vie de luxe, de prestige, de glamour. Et ce qui me plait tout particulièrement avec cet opéra, c’est qu’il y a une sensualité entre les amants aussi– encore plus délicate, sophistiquée tout en étant impérieuse — avant de s’enflammer d’un coup, de façon beaucoup plus charnelle, qui est beaucoup plus torride d’ailleurs, je trouve, que dans l’expression plus à vif, écorchée, fataliste, crue de Carmen— (écrit 9 ans auparavant par Bizet et qui a forcément influencé Massenet).
Donc entre Manon et son amant, le Chevalier des Grieux, dès leur rencontre (il tombe instantanément amoureux de la jeune fille, qu’il veut sauver d’un destin trop triste— En effet –elle lui explique— avant de fuir avec lui— qu’elle est destinée au couvent, car sa famille la trouve trop portée sur le plaisir:) — Satané plaisir:)— On la comprend en même temps :).
“Enchanteresse, vous êtes la maitresse de mon coeur. Nous vivrons à Paris tous les deux, et nos coeurs amoureux enchainés l’un à l’autre, pour toujours réunis, n’y vivront que des jours bénis” — Non mais j’adore :)!
Mais aussi au 2eme Acte quand ils vivent ensemble, il écrit à son propos une lettre magnifique:
“On l’appelle Manon; elle eut hier seize ans. En elle tout séduit, la beauté, la jeunesse, la grâce! Nulle voix n’a de plus doux accents, Nul regard, plus de charme avec plus de tendresse. Nul regard, plus de charme avec plus de tendresse!
MANON, s’arrêtant de lire. Est-ce vrai? Moi, je n’en sais rien; Mais je sais que vous m’aimez bien!
DES GRIEUX, avec élan. Vous aimer? … Manon … je t’adore!
MANON, se dégageant. Allons, monsieur, lisons encore! …
DES GRIEUX, lisant. “Comme l’oiseau qui suit en tous lieux le printemps, Sa jeune âme à la vie est ouverte sans cesse; Sa lèvre en fleur sourit et parle par instants Au zéphyr parfumé qui passe et la caresse!”
DES GRIEUX ET MANON, répétant. Au zéphyr parfumé qui passe et la caresse! Réfléchissant. Il ne te suffît pas alors de nous aimer?
DES GRIEUX, avec enthousiasme. Non! je veux que tu sois ma femme!
MANON, rassurée. Tu le veux? …
DES GRIEUX. Je le veux, et de toute mon âme!
MANON. Embrasse-moi donc, chevalier.
Le clou étant surtout a l’Acte III, quand Manon apprend que son ex-amant (qu’elle a quitté des mois auparavant, pour vivre une vie débauchée et de luxe avec un homme fortuné pour lequel elle a peu de sentiments)— s’apprête à devenir prêtre. Elle accourt le retrouver à Saint Sulpice, pour demander son pardon, et l’implore de se rappeler la force de leur amour.
Et là, la force de leur attraction, du désir l’un pour l’autre, malgré ou peut être à cause — des nombreux mois écoulés, de l’absence, la séparation— monte progressivement sur scène, jusqu’à ce qu’ils finissent par ne plus pouvoir résister, à l’envie irrépressible de s’embrasser, (le plus magnifique moment de l’opéra à mon avis), puis de s’aimer comme si il n’y avait pas de lendemain. Et c’est d’autant plus torride, que le beau Chevalier des Grieux en tenue religieuse— petite parenthèse:) — (Il m’évoque un film romantique des années 80- le beau prêtre Ralph de Bricassart aka Richard Chamberlain dans “les Oiseaux se cachent pour mourir”/ “The Thorn birds” —qui tombe également éperdument amoureux d’une très belle jeune fille –la magnifique Rachel Ward- alors que c’est totalement interdit).
Donc reprenons, le Chevalier des Grieux vient de chanter, juste avant qu’elle n’arrive, son magnifique air “Fuyez douce image” illustrant combien sa foi repose son âme, qui malgré tout, est irrémédiablement tourmentée par le doux souvenir, malgré lui, de son amour pour elle, qu’il cherche à oublier, sans y parvenir. C’est juste magnifique. Et ça rend la scène torride à venir, encore plus intense, vive, carabinée, extrême quoi!:
“Ah! fuyez, douce image, Je suis seul! Seul enfin! C’est le moment suprême! Il n’est plus rien que j’aime, que le repos sacré que m’apporte la foi! Oui, j’ai voulu mettre Dieu même, entre le monde et moi! Ah! fuyez, douce image, à mon âme trop chère. Respectez un repos cruellement gagné. Et songez, si j’ai bu dans une coupe amère, que mon coeur l’emplirait de ce qu’il a saigné!
Ah! fuyez! fuyez! loin de moi! Ah! fuyez!
Que m’importe la vie et ce semblant de gloire? Je ne veux que chasser du fond de ma mémoire… Un nom maudit! ce nom… qui m’obsède et pourquoi? J’y vais! Mon Dieu! De votre flamme purifiez mon âme… Et dissipez à sa lueur, l’ombre qui passe encore dans le fond de mon coeur!
Ah! fuyez, douce image, à mon âme trop chère! Ah! fuyez! fuyez! loin de moi! Ah! fuyez! loin de moi! Loin de moi!”
Et le chevalier a d’autres belles images pour évoquer sa bien aimée, à l’Acte IV, que je trouve très jolies: “Manon, Manon, Sphinx étonnant, véritable sirène, coeur trois fois féminin, que je t’aime et que je te hais. Pour le plaisir et l’or, quelle ardeur inouïe. Ah folle que tu es, comme je t’aime”. Et elle, de lui répondre un peu plus tard, sur ce qu’elle prête à lui donner: “je te donnerais mon être tout entier, ma vie et mon amour”…
J’en menais pas large devant tant de poésie. Et ça se termine évidemment mal. Elle finit au dernier Acte, par mourir sur scène dans les bras de son amant— Ah la la! — Tant de drame, de passion —c’est trop fantastique!
Bref, et je ne vous ai pas parle encore des interprètes formidables. Diana Damrau— soprano allemande, que j’aime énormément, et qui était déjà géniale comme Gilda (encore une femme perdue) dans Rigoletto (mon opéra préféré— de tous les temps avec le Ring de Wagner) depuis quelques années au MET– en Manon, était fantastique — J’avais vu là- bas – “Manon” — il y a quelques années avec Anna Netrebko— la sublime soprano russe— hyper douée, et une des meilleures actrices qui soit– qui était éblouissante aussi. Alors évidemment — je l’attendais au tournant :).
Mais Diana est hyper vivante, féminine, pétillante—très bonne actrice et crédible en femme amoureuse (un brin moins sensuelle qu’Anna quand même) et d’une technique et puissance à couper le souffle. Donc c’était vraiment bien.
En plus, le Chevalier des Grieux était sublimement interprété par un ténor– italien évidemment– fantastique: beau, passionné, tendre et viril — enfin le rêve quoi 🙂 Vittorio Grigolo— qui déjà était génial en Hoffmann, dans les Contes d’Hoffmann il y a un mois)— encore plus fougueux, que le très beau et talentueux Piotr Becczala— que j’adore aussi.
Et puis Christophe Mortagne— le ténor français en Guillot de Morfontaine— encore un soupirant de Manon :), était particulièrement animé, gai, et charmant, (ah le charme français) et évidemment son français —— était parfait— ah …:).
Parce que c’est une belle langue, le français, mais comme chacun sait —beaucoup plus difficile à chanter que le latin, l’italien (la plus facile), l’allemand, l’anglais ou le russe. En français, quand on chante— il faut articuler 10 fois plus — en essayant de ne pas avoir l’air ridicule.
Enfin, en même temps, le ridicule, comme chacun sait, ne tue pas. Ouf! :).